Claude Gascon, le dernier des premiers… | Coopérative funéraire de l'Outaouais

Claude Gascon, le dernier des premiers…

Le thanatologue Claude Gascon se souvient bien du 14 septembre 1981. Cette journée là, la Coopérative funéraire de l’Outaouais (CFO) ouvrait au public les portes de son premier salon, au 11 Ste-Bernadette (Hull), et M. Gascon y fut le tout premier employé rémunéré.

Trente-huit ans plus tard, il vient de prendre « officiellement » sa retraite mais continue d’y travailler quatre jours semaine, en attendant la fin du rodage de son successeur. En quatre décennies, il a procédé à l’embaumement de milliers de défunts, mais le début des opérations de la Coopérative a marqué sa mémoire de façon indélébile.

Diplômé en 1976 de l’une des dernières cohortes de l’ancien Institut de thanatologie du Québec, propriétaire de son petit salon à Pointe-au-Chêne, Claude Gascon avait entendu parler du projet de coopérative funéraire et cherchait de l’ouvrage. La coopérative naissante l’a embauché sur-le-champ. « Quand j’y suis arrivé, deux des membres du premier conseil d’administration, Armand Lemery et Thomas Girouard, étaient à quatre pattes en train de poser du tapis », dit-il, comme pour se remémorer l’intense bénévolat de l’époque.

Les débuts furent modestes, raconte-t-il. Après avoir fonctionné quelque temps avec un véhicule loué, la coopérative a acquis un vieux corbillard brun. « Il y avait un trou dans le plancher qu’il fallait bloquer pour ne pas se faire arroser en hiver ou par temps de pluie. Tout le monde le conduisait. Ce n’était pas le grand luxe, on ne l’a pas payé cher, mais il a servi pendant quelques années », raconte M. Gascon.

Au début, le laboratoire de la coopérative était situé au sous-sol du 11 Ste-Bernadette (aujourd’hui c’est au 1369 La Vérendrye). Sa première table d’embaumement n’ayant pas de bordures, Thomas Girouard en a fabriqué en acier inoxydable. La coopérative funéraire a aussi pu obtenir, sans frais, deux tables d’autopsie de l’ancien Hôpital général de la rue Guigues, à Ottawa, et deux chariots de la maison Racine, Robert et Gauthier pour transporter les cercueils.

Avec des porteurs bénévoles parfois dépareillés, certains concurrents « ont ri de nous en masse, mais ceux qui ont eu recours à nos services ont vu qu’on pouvait faire le travail. Et notre bon ouvrage se répandait de bouche à oreille, et nous attirait de nouveaux clients », dit M. Gascon. La dernière fois qu’il est allé chercher un corps à la morgue, alors située au salon funéraire Émond, on lui a offert un emploi. « Ils voulaient que je travaille pour eux, mais moi, je croyais au projet de coopérative. »

Graduellement, les concurrents ont changé de ton. La coopérative accaparait une part du marché toujours croissante, et dominait le marché moins de 20 ans après son début modeste sur la rue Ste-Bernadette. Aujourd’hui, la coopérative funéraire dispose d’un laboratoire moderne au sous-sol du complexe funéraire La Vérendrye, avec deux thanatologues à temps plein qui y embaument environ 300 corps tous les ans.

On est loin de l’époque où Claude Gascon travaillait à la pige à la CFO, se rendant à des endroits comme Hawkesbury, Cornwall et Alexandria pour pouvoir arrondir les fins de mois. « Je roulais 65 000 kilomètres par année », dit-il. Quand il a finalement décroché un emploi à temps plein à la coopérative en 1993, il a emménagé pour de bon à Val-des-Monts.

En ce début de 2019, à l’âge de 65 ans, le temps est venu de songer à la retraite. « Je suis le plus ancien employé de la coopérative, le seul survivant des premiers » dans une entreprise qui compte aujourd’hui un personnel à temps plein d’environ 80 personnes. Pourtant, il lui arrive toujours de penser à l’intensité des premiers jours, et « d’entendre le vieux menuisier Thomas Girouard courir dans l’escalier du 11 Ste-Bernadette »…